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11/2017 – Rossini, compositeur audacieux !

Pour le public contemporain, le Barbiere est assurément l’œuvre la plus célèbre de Rossini, sans doute la plus jouée aussi. Il n’en fut pas toujours ainsi. C’est L’inganno felice (L’heureux stratagème), farce en un acte de 1812 reprise dans la plupart des théâtres d’Europe, qui assura la percée du musicien de Pesaro. À peine âgé de vingt ans, il se distingua ainsi des Mosca, Coccia, Pavesi et Generali qui occupaient alors le devant de la scène. Le Barbiere, composé quatre ans plus tard, alors que Rossini était déjà très célèbre, joua pourtant un rôle décisif dans sa carrière. L’œuvre ne quitta jamais l’affiche des théâtres. À ce titre, elle est sans doute l’œuvre lyrique la plus ancienne à ne jamais être sortie du répertoire : même les opéras de Mozart connurent une phase d’éclipse pendant quelques décennies avant d’être repris. On peut se demander ce que Rossini pouvait bien faire à Rome pendant l’hiver 1815-1816. Après tout, il venait d’être nommé à la tête des théâtres royaux de Naples. Sa mission première était de composer pour le Teatro San Carlo, à l’époque l’un des plus grands et surtout le plus prestigieux de la péninsule italienne. Mais l’engouement du public pour le dernier compositeur à la mode était tel que Rossini ne cessa de recevoir, pendant les sept années où il resta au service de Ferdinand Ier, roi des Deux-Siciles, des invitations à composer pour d’autres villes. Sa production, de 1815 à 1822, se partage pour cette raison en deux corpus que tout oppose. À Naples, grâce à une compagnie de chant de premier ordre, un orchestre volumineux et des conditions de travail stables, Rossini se consacre à l’opera seria et s’aventure dans de multiples innovations. En témoignent Armida (1817) ou Ermione (1819), où Rossini reprend le flambeau de la tragédie-lyrique post-gluckienne, adossée à un orchestre et un chœur imposants, tout en y greffant les feux d’artifice de l’école italienne de chant. Les comédies romaines, le Barbiere et Cenerentola (1817), sont conçues dans des conditions de travail radicalement opposées. Elles sont écrites dans des temps record, pour de petits effectifs orchestraux, selon des schémas de composition hérités de la tradition, parfaitement maîtrisés par Rossini depuis ses farces de jeunesse et L’italiana in Algeri (1813). Même si cela peut sembler paradoxal à première vue, ce sont ces œuvres qui deviendront les premières immensément populaires.

Damien Colas

 

Le musicologue Damien Colas est directeur de recherche au CNRS (Institut de recherche en musicologie, Paris). Ses travaux portent sur l’opéra en Italie et en France et ses recherches sur Rossini l’ont amené à découvrir quantité de musique inédite de ce compositeur. Il vient d’achever l’édition critique du Siège de Corinthe, qui a été donné pour la première fois, à l’époque moderne, dans sa version originale au Rossini Opera Festival de Pesaro en 2017. Son édition du Comte Ory (Bärenreiter, 2014) a reçu le prix de « Beste Edition » du Deutscher Verleger-Verband en 2015. Il est également un spécialiste reconnu de l’ornementation vocale dans l’œuvre de Rossini.

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