Concert

LA VESTALE

Grâce à La Vestale, la musique de Gaspare Spontini (1774-1851) n’est jamais restée tout à fait muette entre les pages des dictionnaires. A la Scala de Milan, en décembre 1954, Maria Callas campait une fascinante Julia mais dans la traduction italienne. En décembre 1993, Riccardo Muti dirige toujours à La Scala de Milan une version complète de l’opéra d’origine.Ainsi grâce à Callas, Muti et aux éditions Ricordi responsables de l’édition critique parue en 1993, l’Italie restée fidèle à Spontini est venue nous rappeler qu’après le Florentin Lully, inventeur de l’Opéra Français, c’est à un autre italien qu’il était revenu de poser les fondations du Grand Opéra Historique français, genre phare de tout le XIXeme sècle qui rayonna bien au-delà de nos frontières.

Ce qui ressort le plus souvent des manuels ou des cours d’histoire de la musique, c’est qu’il ne se serait (presque !) rien passé en France entre Gluck, mort en 1787, et Berlioz né en 1803. Ce qui m’a frappé chez Berlioz, c’est l’inouï, comme s’il était le créateur d’un univers sans antécédents.peu à peu, j’ai acquis la conviction qu’il n’était pas seulement un novateur mais tout autant, un héritier car, quand je me suis plongé dans la lecture de son Grand Traité d’instrumentation et d’orchestration moderne, j’ai découvert qu’en dehors des modèles tirés des partitions de Gluck, Beethoven ou Weber, il donnait en exemple, des fragments d’ouvrages qu’il connaissait par coeur et qui ont complètement disparu du répertoire : Oedipe à Colone de Sacchini ou Uthal de Méhul, entre autres, mais surtout La Vestale de Spontini.

Berlioz n’était pas le seul en son temps à tenir La Vestale pour un chef-d’oeuvre. Wagner à l’occasion de la mort de Spontini en 1854, puis en 1872, ne s’est pas montré moins admiratif des innovations décisives que ce dernier avait apporté  dans le domaine de la composition dramatique.

Ainsi Spontini serait le chaînon manquant entre Gluck et Berlioz ou Wagner, ses plus illustres héritiers. Mais lui-même au delà du modèle Gluckiste qu’il s’était donné pour s’émanciper de l’esthétique italienne avait cherché à s’enraciner dans la tradition de la tragédie lyrique inventée un siècle et demi auparavant par Lully.

Cet enracinement se traduit  dans la primauté du drame sur la vocalité pure. Si l’écriture vocale de Spontini est plus lyrique que celle de Gluck, on n’y rencontre jamais ce qui pourrait résumer la tendance italienne : le chant pour le chant. La vocalité est toujours suscitée par le texte; elle ne surgit pas ex nihilo pour mettre seulement en valeur les qualités des chanteurs. Aussi ce qui est primordial dans cette musique, c’est l’interprétation dramatique : elle exige d’être servie par des chanteurs-acteurs dans la tradition qui n’a subsisté que dans le music-hall ou la comédie musicale.

Le Cercle de l'Harmonie