Actualité

Ecouter Verdi au plus près de son intention originelle

Retour aux sources

Jérémie Rhorer a à cœur avec l’orchestre du Cercle de l’Harmonie d’épurer les œuvres des strates que les modes successives comme l’évolution des instruments ont petit à petit ajouté, et par voie de conséquence revenir à l’intention première et à la sincérité du compositeur. En effet, pour tout interprète, instrumentiste ou chanteur, le respect de la pensée première du compositeur se doit d’être la référence en matière d’interprétation.

Les compositeurs écrivaient pour les instruments comme pour les chanteurs dans une sorte de « sur mesure » qui tenait compte de l’étendue de leurs capacités et aussi parfois de leurs « faiblesses » utilisées alors à des fins expressives.

Verdi au cœur de l’évolution de la facture instrumentale

Afin d’offrir de nouvelles possibilités de composition et parfaire l’émission du son, la facture instrumentale n’a cessé, au cours des siècles, d’imaginer des systèmes de perfectionnement technique. Le XIXe siècle est sans doute la période où les instruments composant l‘orchestre ont le plus évolué pour atteindre progressivement au début du XXe siècle la forme que nous leur connaissons aujourd’hui : la flûte en bois devient métallique, le cor naturel acquiert ses premiers pistons vers 1815 sans oublier la révolution des cordes en acier. Dans son Traité d’instrumentation et d’orchestration de 1843, Berlioz dresse, dix ans avant que Verdi ne compose sa Traviata, un état des lieux quasi exhaustif. Ce traité devient rapidement une référence en matière de composition dans toute l’Europe. Traduit en italien et publié par Riccordi dès 1847, il sera tenu en haute estime par Verdi.

Toutes ces innovations en matière de facture instrumentale ont engendré au XIXe siècle une évolution sonore de l’orchestre dans son ensemble l’amenant vers plus de puissance et de brillance. L’orchestre gagne alors en fiabilité technique et en volume sonore mais pour certains compositeurs, il perd en qualité et nuances de timbre. L’équilibre entre l’orchestre et les voix s’en trouve alors modifié, les chanteurs se trouvant contraints dans certaines situations de « forcer leurs voix » pour ne pas être couverts par l’orchestre.

Jouer Verdi avec les instruments de l’époque et un diapason à 423Hz

Le diapason est la hauteur de fréquence d’une note repère conventionnelle qui permet aux instrumentistes et chanteurs de s’accorder. La tradition veut que cet accord collectif se fasse sur le la. Le son étant produit par des vibrations, le diapason se mesure en Hertz (Hz ou vibrations secondes). La notion de diapason remonte à la fin du XVIIe siècle, l’ère baroque ne connaît pas de diapason fixe, du fait même des instruments de l’orchestre de l’époque. On trouve ainsi des exemples allant de 390 à plus de 450Hz (le baroque français était autour de 392Hz, assez grave par rapport à celui utilisé par Haendel à 423Hz). Historiquement, le diapason a donc toujours connu des modulations et adaptations (en fonction du lieu d’exécution, des instruments, de la température, de l’hygrométrie…). Tout au long du XIXe siècle eurent lieu de longs et très sérieux débats sur cette question de la hauteur optimale du diapason et surtout sur son harmonisation.

Au début des années 1860, Verdi se désole de l’utilisation de plus en plus généralisée d’un diapason trop élevé en usage dans la péninsule (445Hz au San Carlo de Naples en 1857) et milite pour l’adoption de la norme d’un la à 432Hz. Il en va à ses yeux de la sauvegarde de la musique vocale… et de ses interprètes.

Cliquez sur l’image d’un instrument pour écouter la même illustration musicale jouée par des musiciens du Cercle de l’Harmonie sur trois instruments de différentes époques à différents diapasons.

Ecouter Verdi au plus près de son intention originelleEcouter Verdi au plus près de son intention originelleEcouter Verdi au plus près de son intention originelleEcouter Verdi au plus près de son intention originelle

Verdi, Rigoletto,
Anne Parisot, flutiste
Introduction à l’air de Gilda « Caro nome »

  1. Flûte Grenser à 1 clé, baroque tardif / début classicisme / 415 Hz
  2. Flûte Lieble à 10 clés, époque de Verdi / 432 Hz
  3. Flûte Böhm moderne en métal / 442 Hz

Verdi, La Traviata, acte III
Laura Lutzke, violonniste
Introduction à l’air « Addio del passato »

  1. Violon baroque / 415 Hz
  2. Violon classique / 430 Hz
  3. Violon moderne / 440 Hz

Verdi, Don Carlo
Ricardo Rodriguez, corniste
Prélude au deuxième acte

  1. Cor naturel / 430 Hz
  2. Cor à piston / 430 Hz

Beethoven, extrait du deuxième mouvement de la Symphonie n° 2
Alejandro Sandler, trompettiste

  1. Trompette naturelle, 1800 / 430 Hz
  2. Trompette milieu XIXe siècle / 435 Hz
  3. Trompette moderne / 442 Hz

Figure importante de cette Italie en pleine construction, Verdi est un homme que l’on écoute. En 1884, le ministère italien de la guerre fait adopter le la à 432Hz pour toutes les fanfares militaires. C’est un premier pas… Mais très vite, le diapason, toujours à la conquête de salles plus grandes et de performances plus « brillantes » repart à la hausse jusqu’à atteindre au XXe siècle la norme généralisée de 440Hz, parfois 442 et même jusqu’à 444-445.

Dès les années 1980, d’immenses interprètes verdiens dont le baryton Piero Cappuccilli, créent un mouvement plébiscitant le retour au la verdien à 432Hz afin de respecter la pensée musicale et vocale du musicien. Verdi, qui connaissait et aimait mieux que quiconque les voix, n’a eu de cesse de composer pour ce diapason à 432Hz.

La Traviata que propose le chef au Théâtre des Champs-Elysées qui sera conduite  à 432Hz, a l’ambition d’être au plus près des intentions premières du musicien. L’occasion de re-découvrir l’œuvre riche d’une saveur plus vraie et naturelle respectueuse de la volonté de Verdi.

Le Cercle de l'Harmonie