Dans Don Giovanni, dès les premiers accords de l’ouverture, le compte à rebours commence et nous emporte sans détour selon une ligne très précise jusqu’au drame final. On commence donc par le jugement du dénouement de la pièce ce qui est unique dans l’opéra. L’humour et le fantastique articulent cette ligne et structurent aussi la direction qui ne doit pas manquer les points d’énergie qui révèlent la mécanique parfaite qu’impose Mozart.
Mozart se sert de Don Giovanni comme déclencheur dramatique. Il en fait le révélateur des personnages qu’il rencontre et tout se joue dans la réaction des personnages à son encontre. Don Giovanni désorganise les émotions, déstructure ses interlocuteurs et, servi par la musique, crée l’humanité, suscite l’empathie ou le dégout. Détestable certes, il repousse les limites qui nous n’oserions repousser, fascine les personnages comme le public.
Le sens de la dramaturgie réside souvent chez Mozart au cœur de la partition, le langage musical caractérise les situations et la psychologie des personnages. On le ressent dans les harmonies très riches qu’il crée pour les personnages complexes, et au contraire, le langage plus simple prêté aux personnages plus populaires, simplicité qui permet l’empathie avec le public.
De même, jouer sur des instruments d’époque, une caractéristique fondamentale du Cercle de L’Harmonie, permet de façon évidente de se rapprocher de la texture pour laquelle il a créé l’œuvre. Au XVIIIème siècle, les compositeurs écrivent pour des chanteurs qu’ils connaissent, des musiciens et des instruments qui constituent cet univers sonore dans et pour lequel ils composent. De même, l’équilibre voix / orchestre était plus naturel et comme il n’était point besoin de surpasser l’orchestre, on pouvait s’autoriser des chanteurs qui avaient le physique du rôle et apporter ainsi de la spontanéité et du naturel à la dramaturgie musicale.
Don Giovanni évoque pour moi le défi de l’Homme à Dieu, à son existence et au surnaturel et Mozart me parait essentiellement habité par une lumière et une profonde empathie envers le genre humain. Et c’est cette même empathie pour ses personnages qui nous permet de comprendre ses préoccupations. Le drame déjà présent dans l’ouverture de Don Giovanni se dissout rapidement dans un univers solaire qui permet au drame lui-même de se régénérer et ça, c’est génial.